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Comprendre la restauration du Village des Bories
Dans les années 1960, Pierre Viala découvre, émerveillé, ce site abandonné qui est en train de tomber dans l’oubli de la mémoire collective du village.
Poète, comédien et écrivain, il comprend très vite que le sauvetage de ces cabanes sera l’oeuvre de sa vie. La passion qu’il vouait à l’histoire de Gordes, et le respect du labeur et du savoir-faire de nos anciens ont été les moteurs de Pierre VIALA pour nous transmettre une partie de notre histoire et nous permettre de nous réapproprier notre patrimoine.
C’est aujourd’hui un des sites les plus visités du Vaucluse.
Le texte qui suit permet au visiteur du Village des Bories de comprendre les différentes étapes de la restauration du Village à travers le récit de Pierre Viala, propriétaire initial du Village et restaurateur passionné
« Alors qu’aujourd’hui, d’un seul regard on découvre le village des Bories dans son équilibre architectural, à l’époque où fut entreprise sa restauration, on ne pouvait avoir une idée de son implantation, tant les bories et les murs disparaissaient dans le fouillis d’une végétation envahissante. Entremêlés aux chênes-verts et aux cades tentaculaires qui les avaient étouffés, les mûriers et les amandiers morts, avec les oliviers gelés en 1956, formaient un tel enchevêtrement qu’il était impossible d’approcher des cabanes dont on n’apercevait que le faîtage en désordre.
Il fallut débroussailler pas à pas pour circuler librement et relever le plan d’ensemble ; arracher les arbres morts et ceux qui avaient pris racines dans les murs et sous les bories, les soulevant et y provoquant des brèches. Des brèches, il y en avait aussi du fait de certains chasseurs de l’époque giboyeuse d’avant la myxomatose qui n’hésitaient pas à démolir un mur pour traquer un lapin réfugié entre les pierres. En 1886 et en 1909 deux tremblements de terre ont ébranlé le site. Sans doute faut-il leur imputer des linteaux cassés, des lézardes et quelques tassements.
Les tassements et leurs conséquences, on peut encore les attribuer au temps, à la végétation comme à la nature du terrain, et à tous ces facteurs conjugués si l’on observe que bien des bories ont été construites sans fondations sur la première couche de rocher tendre d’un sol qui se présente en feuilleté de plaques calcaires.
Entre les couches de surface cheminent les racines qui, en se développant, soulèvent les pierres ou, créant des vides lorsqu’elles sèchent et se décomposent, provoquent des affaissements.
La restauration commencée en 1969 s’est échelonnée sur huit années. Par tranches de travaux, elle a nécessité des milliers d’heures de travail et le transport d’un volume considérable de pierres. Certes le sol en était jonché qui provenaient des murs endommagés et des bories éventrées et décoiffées, mais il en manquait en quantité, notamment des dalles de faîtage. Il a fallu en glaner dans les terres d’alentour en prenant soin de ne pas dégrader ici pour réparer là. Les pierres ont été sélectionnées en fonction de leur patine et de leur nature afin d’assurer le raccordement en matière et en couleur avec celles qu’elles devaient compléter.
Les aires, les cours et les ruelles ont été débarrassées de la petite caillasse, de la terre, des racines et des débris de toutes sortes qui s’y trouvaient accumulés. Tous les murs de séparation des terrasses ont été repris, et souvent depuis leur base. Tous les faîtages ont été remis en ordre. Ici un angle était à refaire, là un encadrement de porte à compléter, un linteau à remplacer. Des bories béantes menaçaient de s’écrouler.
Le four à pain central semblait vomir tout à la fois la masse de terre qui en avait assuré l’isothermie, et les racines de l’arbre qui, ayant poussé en son centre, avait crevé sa coupole. Sans toiture, voûtes d’arêtes détruites, la petite maison du XVIIème siècle aux rigoureuses proportions et au mur nord aveugle, d’un superbe appareil, risquait de s’effondrer. Sa remise en état fut particulièrement délicate en raison de la fragilité de sa façade lézardée de haut en bas, dont il ne fallait ni modifier ni altérer la sobre et rustique ordonnance.
Enfin, pour compléter la renaissance du village, et le replacer dans son cadre naturel, les vergers d’oliviers ont été remis en culture.
On connaît des bories aux dimensions plus imposantes, d’autres plus archaïques mais ici l’harmonieuse répartition des masses verticales et horizontales, les jeux de lumière du levant et du couchant, l’équilibre végétal-minéral, tout concourt au charme original d’un site privilégié qu’il nous a paru essentiel de remembrer et de restaurer afin de préserver un rare exemple d’architecture spontanée, heureusement intégrée à la nature par l’utilisation du matériau brut dans l’économie des moyens et des formes.
Le village des Bories, organisé en musée d’habitat rural, présente des documents d’archives évoquant le Gordes d’autrefois. Il abrite une collection d’objets usuels traditionnels de la région et d’outils agricoles du passé faits par la main et pour la main de l’homme. Enfin une exposition réunissant des photographies de différents types de constructions de pierre sèche réparties en France et dans le monde contribue à une meilleure connaissance de cette forme d’architecture si bien représentée en Haute-Provence. »